Toute l'amplitude féconde, pour cordes, vents et soprano

Julien Bilodeau

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Mettre en musique la poésie de Marie Uguay est une expérience forte, troublante. Ses mots dévoilent un monde qui existe en sourdine, des désirs latents, des couleurs caressées par des odeurs furtives, une nature qui vit d'éclats dans la seule aventure du mot et de son rythme, une alternative à toute perception; une souffrance aussi qui, comme une vague, nappe de silence les plages de ce qui vit encore, puis se retire.

 

Et ce temps, ce temps qui manque, toujours. 

 

Toute l’amplitude féconde, titre extrait du second vers du poème que j’ai choisi (non titré mais connu sous le nom « Il existe pourtant des pommes et des oranges », l’un des plus connu de Marie Uguay, paru dans L’Outre-Vie en 1979), est une composition en deux parties absolument identiques, sinon pour la présence du texte qui n’apparaît que dans la seconde. La musique sans mot est une nature sans nom, telle est la proposition de la première partie, instrumentale. Puis, la voix apparaît, sur une voyelle, dans un mélisme qui affirme sa présence avant que le mot ne devienne « le plein arrêt dans le moment, tout l’éparpillement continu du temps » (Signe et rumeur, 1976) et que « de ce temps, [se] reconstitue votre regard » (Poème en prose, posthume).

 

Julien Bilodeau